Alors que l’intelligence artificielle (IA) prend une place de plus en plus importante dans nos vies et nos activités, les questions juridiques soulevées par son utilisation suscitent un intérêt croissant. L’une des interrogations majeures réside dans la responsabilité en cas d’erreur ou de préjudice causé par un système d’IA. En tant qu’avocat, je vous invite à explorer les différentes facettes de cette problématique.
La responsabilité civile et pénale
Avant d’examiner le cas spécifique de l’intelligence artificielle, il convient de rappeler quelques notions fondamentales du droit. La responsabilité civile est celle qui découle d’un acte ou d’une omission ayant causé un préjudice à autrui, tandis que la responsabilité pénale est celle qui résulte de la commission d’une infraction pénale. Dans les deux cas, il est nécessaire d’établir un lien de causalité entre l’acte ou l’omission en cause et le préjudice subi, ainsi que la faute ou l’imprudence de l’auteur.
L’IA et la responsabilité civile
Dans le contexte de l’intelligence artificielle, la question de la responsabilité civile se pose notamment lorsque des systèmes automatisés, fondés sur des algorithmes complexes et évolutifs, sont susceptibles de causer des dommages à des tiers. Ainsi, en cas d’erreur ou de défaillance de ces systèmes, il est nécessaire de déterminer qui doit être tenu pour responsable : le concepteur, le fabricant, l’utilisateur ou l’IA elle-même.
La réponse à cette question dépend en grande partie du droit applicable et des circonstances spécifiques de chaque cas. En France, par exemple, le Code civil prévoit que la responsabilité civile incombe à celui qui cause un dommage à autrui par sa faute, son imprudence ou sa négligence (article 1240). Toutefois, il est également possible d’invoquer la responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde (article 1242), ce qui pourrait s’appliquer aux systèmes d’intelligence artificielle.
L’IA et la responsabilité pénale
En matière de responsabilité pénale, la situation est encore plus complexe. En effet, les infractions pénales sont généralement fondées sur une intention coupable ou une imprudence caractérisée de la part de l’auteur. Or, dans le cas des systèmes d’intelligence artificielle, il peut être difficile voire impossible d’établir cette intention ou cette imprudence.
Certaines juridictions ont toutefois commencé à aborder cette question. Ainsi, en 2016, la justice américaine a condamné un homme pour avoir utilisé un système automatisé (un bot) pour acheter illégalement des billets de spectacles en vue de leur revente. Le juge a estimé que l’utilisation du bot constituait une fraude informatique et que l’homme était donc responsable pénalement, même si ce n’était pas lui qui avait directement commis les actes illicites.
Les pistes de réflexion
Face à ces difficultés, plusieurs pistes de réflexion sont actuellement explorées par les juristes et les législateurs. L’une d’elles consiste à créer un statut juridique spécifique pour l’intelligence artificielle, qui permettrait de reconnaître sa responsabilité propre en cas d’erreur ou de préjudice. Cela impliquerait toutefois de repenser en profondeur notre système juridique et nos notions traditionnelles de responsabilité.
Une autre solution pourrait être d’étendre la notion de responsabilité du fait des choses aux systèmes d’IA, en imposant à leurs utilisateurs ou propriétaires une obligation de surveillance et de contrôle. Cette approche aurait l’avantage de s’appuyer sur des principes juridiques existants, mais elle pourrait poser des problèmes d’équité et d’efficacité, notamment si les personnes concernées ne disposent pas des compétences ou des moyens nécessaires pour assurer cette surveillance.
Enfin, certains plaident pour une régulation plus stricte du développement et de l’utilisation des technologies d’intelligence artificielle, afin d’éviter que les erreurs ou défaillances ne surviennent en premier lieu. Cela pourrait passer par une certification obligatoire des systèmes, par la mise en place de standards techniques et éthiques ou encore par la création d’autorités indépendantes chargées de contrôler leur conformité.
La nécessité d’un dialogue entre les acteurs
Quelle que soit la solution retenue, il semble indispensable que les différents acteurs concernés – concepteurs, fabricants, utilisateurs, autorités publiques et juristes – travaillent ensemble pour anticiper et résoudre les problèmes soulevés par l’intelligence artificielle. Cela passe notamment par un dialogue constant et une coopération renforcée entre les différentes disciplines, afin de permettre une compréhension mutuelle et une évolution conjointe du droit et de la technologie.
Ainsi, face à l’essor de l’intelligence artificielle et aux défis qu’il pose en termes de responsabilité juridique, il est plus que jamais nécessaire de s’interroger sur les limites de notre système actuel et d’imaginer ensemble des solutions adaptées à cette nouvelle réalité.