Vice rédhibitoire : preuves, conséquences et stratégies juridiques

La notion de vice rédhibitoire constitue un pilier fondamental du droit des contrats et de la vente en France. Ce mécanisme juridique protège l’acquéreur contre les défauts cachés rendant le bien impropre à l’usage auquel il est destiné. La qualification d’un défaut en vice rédhibitoire ouvre la voie à l’action rédhibitoire, permettant l’annulation de la vente, ou à l’action estimatoire, autorisant une réduction du prix. Toutefois, la charge de la preuve incombe à l’acheteur qui doit démontrer l’existence du vice, son caractère caché et sa gravité. Cette exigence probatoire représente souvent un obstacle majeur pour les acquéreurs déçus. Nous analyserons les contours juridiques du vice rédhibitoire prouvé, les stratégies probatoires efficaces et les conséquences pratiques pour les parties au contrat.

Fondements juridiques et caractéristiques du vice rédhibitoire

Le vice rédhibitoire trouve son fondement dans le Code civil, principalement aux articles 1641 à 1649. L’article 1641 le définit comme « le défaut caché de la chose vendue qui la rend impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il l’avait connu ». Cette définition met en lumière trois critères cumulatifs nécessaires à la qualification d’un vice rédhibitoire.

Premièrement, le vice doit être caché, c’est-à-dire non apparent lors de l’acquisition. La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 14 mai 1996 que le caractère caché s’apprécie en fonction des compétences de l’acheteur. Un professionnel du domaine sera tenu à une vigilance accrue par rapport à un profane. Ainsi, dans l’affaire Dupont c. Société Immobilière du Sud (Cass. civ. 3e, 7 mars 2012), la présence de termites non détectée par un acheteur non-professionnel a été qualifiée de vice caché, tandis que ce même défaut aurait pu être considéré comme apparent pour un professionnel du bâtiment.

Deuxièmement, le vice doit être antérieur à la vente, même s’il ne se manifeste qu’ultérieurement. Cette condition est souvent la plus délicate à prouver. La jurisprudence admet une présomption d’antériorité lorsque le défaut apparaît dans un délai bref après l’acquisition. Dans l’arrêt Martin c. Garage Leroy (Cass. civ. 1ère, 19 janvier 2017), un dysfonctionnement moteur survenu trois semaines après l’achat d’un véhicule d’occasion a été présumé antérieur à la vente.

Troisièmement, le vice doit présenter une gravité suffisante pour rendre le bien impropre à sa destination ou en diminuer substantiellement l’usage. La jurisprudence évalue cette gravité au cas par cas. Par exemple, dans l’affaire Dubois c. Constructions Modernes (CA Paris, 8 septembre 2018), des infiltrations d’eau récurrentes dans une maison neuve ont été jugées suffisamment graves pour caractériser un vice rédhibitoire, car elles rendaient certaines pièces inhabitables en période de pluie.

Il convient de distinguer le vice rédhibitoire du simple défaut de conformité. Le défaut de conformité relève de l’inexécution contractuelle et concerne l’inadéquation entre le bien livré et celui promis, tandis que le vice rédhibitoire affecte les qualités intrinsèques du bien. Cette distinction est majeure car les régimes juridiques diffèrent tant en termes de délais d’action que de sanctions applicables.

Spécificités en matière d’animaux

En matière de vente d’animaux, le Code rural prévoit un régime spécifique aux articles L213-1 et suivants. Seules certaines maladies limitativement énumérées par décret constituent des vices rédhibitoires pour les animaux domestiques. Par exemple, pour les équidés, l’immobilité, l’emphysème pulmonaire ou la cornage chronique sont reconnus comme vices rédhibitoires. Les délais pour agir sont considérablement réduits : de 10 à 30 jours selon les espèces et les maladies.

La charge et les modalités de la preuve du vice rédhibitoire

Le principe fondamental en matière probatoire est énoncé par l’article 1353 du Code civil : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». En matière de vice rédhibitoire, cette règle se traduit par une charge de la preuve incombant à l’acheteur. Ce dernier doit établir les trois éléments constitutifs du vice rédhibitoire : son existence, son caractère caché et son antériorité à la vente.

La démonstration de l’existence du vice s’effectue généralement par expertise. Dans l’affaire Moreau c. Société AutoPremium (CA Lyon, 12 avril 2019), l’acheteur d’un véhicule présentant des problèmes de boîte de vitesses a obtenu gain de cause grâce à un rapport d’expertise détaillant précisément les dysfonctionnements mécaniques. L’expertise peut être amiable, mais une expertise judiciaire offre davantage de garanties. Le juge peut ordonner cette mesure d’instruction en application de l’article 232 du Code de procédure civile.

Prouver le caractère caché du vice suppose de démontrer que l’acheteur n’aurait pas pu déceler le défaut lors d’un examen normal du bien. La jurisprudence apprécie cette condition en fonction des compétences de l’acheteur et des circonstances de la vente. Dans l’arrêt Durand c. Immobilière Saint-Michel (Cass. civ. 3e, 20 novembre 2013), la présence d’amiante dans un immeuble a été considérée comme un vice caché pour un acheteur non-professionnel, malgré une visite approfondie des lieux avant l’achat.

L’antériorité du vice constitue souvent l’élément le plus difficile à établir. Plusieurs techniques probatoires peuvent être mobilisées :

  • La présomption temporelle : plus le vice se manifeste rapidement après l’acquisition, plus son antériorité est probable
  • L’expertise technique démontrant que le défaut ne peut résulter d’un usage normal pendant la période post-acquisition
  • Les témoignages ou documents attestant de l’existence du problème avant la vente
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Dans l’arrêt Mercier c. Concessionnaire AutoPlus (Cass. civ. 1ère, 15 mars 2016), l’acheteur a pu prouver l’antériorité d’un défaut moteur grâce à un rapport d’expertise établissant que la corrosion avancée des pièces ne pouvait s’être développée dans le court laps de temps écoulé depuis l’achat.

Les moyens de preuve admissibles sont variés et relèvent du principe de liberté de la preuve en matière civile. Outre l’expertise, l’acheteur peut produire des photographies, des témoignages, des factures de réparation ou tout document technique pertinent. Dans un monde de plus en plus numérique, les preuves électroniques gagnent en importance. Par exemple, dans l’affaire Leclerc c. VentesEnLigne.com (TJ Paris, 5 février 2021), des captures d’écran de conversations avec le service client ont permis de prouver la connaissance du défaut par le vendeur avant la transaction.

La jurisprudence a progressivement développé des présomptions facilitant la tâche probatoire de l’acheteur. Ainsi, lorsque le défaut apparaît dans un délai très bref après la vente, les tribunaux présument souvent son antériorité, sauf si le vendeur démontre une cause postérieure. Cette approche a été consacrée dans l’arrêt Bertrand c. Garage Central (Cass. civ. 1ère, 7 février 2018), où un défaut électronique apparu deux jours après l’achat d’un véhicule a été présumé antérieur à la vente.

Stratégies juridiques pour établir la preuve efficacement

Face aux difficultés probatoires inhérentes aux actions fondées sur le vice rédhibitoire, diverses stratégies juridiques peuvent être déployées pour optimiser les chances de succès.

La première démarche consiste à réaliser un constat d’huissier dès l’apparition du défaut. Ce document authentique, dressé par un officier ministériel, bénéficie d’une force probante considérable. Dans l’affaire Dubois c. Constructions Nouvelles (CA Bordeaux, 14 juin 2019), le constat d’huissier détaillant les infiltrations d’eau dans une villa récemment acquise a joué un rôle déterminant dans la reconnaissance du vice rédhibitoire. L’huissier peut photographier les défauts, recueillir des témoignages et consigner ses observations dans un procès-verbal difficilement contestable.

La demande d’expertise judiciaire constitue souvent une étape décisive. Contrairement à l’expertise amiable, l’expertise judiciaire présente l’avantage d’être contradictoire et ordonnée par un magistrat. Le juge des référés peut être saisi sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile pour une mesure d’instruction in futurum, avant tout procès. Cette procédure permet de préserver les preuves rapidement, comme l’illustre l’ordonnance Président TJ Nantes du 23 septembre 2020, autorisant l’expertise d’un bateau de plaisance présentant des signes de pourriture de la coque peu après son acquisition.

L’établissement d’un faisceau d’indices concordants peut suppléer l’absence de preuve directe. Les tribunaux admettent qu’un ensemble d’éléments convergents peut caractériser le vice rédhibitoire. Dans l’affaire Lambert c. Société Immobilière Méditerranée (CA Aix-en-Provence, 11 mai 2017), l’acheteur d’un appartement affecté de moisissures a pu démontrer l’existence d’un vice caché grâce à la combinaison de témoignages de voisins, de relevés d’humidité et d’un rapport technique, aucun élément n’étant décisif isolément.

  • Collecter systématiquement les témoignages écrits des professionnels intervenus sur le bien
  • Conserver tous les échanges avec le vendeur, y compris les communications électroniques
  • Documenter photographiquement l’évolution du défaut

La mise en cause des professionnels intermédiaires peut constituer une stratégie efficace. En effet, les agents immobiliers, notaires ou diagnostiqueurs techniques sont tenus à des obligations spécifiques d’information et de conseil. Dans l’arrêt Moreau c. Agence Centrale et SCI Les Oliviers (Cass. civ. 1ère, 20 mars 2019), la responsabilité d’un agent immobilier a été engagée pour avoir dissimulé des problèmes d’humidité dont il avait connaissance. Cette approche permet de multiplier les défendeurs solvables et d’accroître les chances d’indemnisation.

L’anticipation des arguments de défense du vendeur constitue un aspect stratégique majeur. Le vendeur tentera généralement de démontrer que le défaut était apparent lors de la vente, qu’il résulte d’un usage anormal par l’acheteur, ou qu’il est postérieur à la transaction. Neutraliser ces arguments en amont, par des preuves contraires, augmente considérablement les chances de succès. Dans l’affaire Petit c. Garage Excellence (TJ Marseille, 10 novembre 2020), l’acheteur a judicieusement fait établir un rapport d’usage documentant l’utilisation normale du véhicule, contrecarrant ainsi l’argument du vendeur selon lequel le défaut résultait d’une conduite inappropriée.

L’importance du timing dans la stratégie probatoire

La réactivité de l’acheteur joue un rôle prépondérant dans la réussite de l’action. Agir promptement dès la découverte du vice permet non seulement de respecter le délai de prescription biennal prévu par l’article 1648 du Code civil, mais facilite considérablement l’établissement de la preuve. Dans l’affaire Duchêne c. Maisons Traditionnelles (CA Rennes, 14 janvier 2021), la diligence de l’acquéreur qui avait fait constater les fissures structurelles dès leur apparition a été déterminante pour établir l’antériorité du vice, contrairement à l’affaire Martin c. Vendeurs Particuliers (CA Paris, 7 avril 2022) où le retard dans les démarches a rendu impossible la distinction entre un vice préexistant et une détérioration normale.

Conséquences juridiques du vice rédhibitoire prouvé

Une fois le vice rédhibitoire établi par des preuves solides, l’acheteur dispose de plusieurs options juridiques, chacune entraînant des conséquences distinctes pour les parties au contrat.

L’action rédhibitoire, prévue par l’article 1644 du Code civil, constitue la sanction la plus radicale. Elle permet à l’acheteur d’obtenir l’annulation de la vente et la restitution du prix. Dans l’affaire Leroy c. Société Automobiles Premium (Cass. civ. 1ère, 12 janvier 2018), l’acheteur d’un véhicule présentant un défaut moteur majeur non détectable lors de l’essai a obtenu l’annulation de la vente et le remboursement intégral du prix payé. Cette action implique la restitution réciproque des prestations : l’acheteur restitue le bien (dans l’état où il se trouve, sans être responsable de la détérioration due au vice) et le vendeur rembourse intégralement le prix. La jurisprudence admet que le vendeur doive rembourser les frais accessoires liés à la vente, comme les frais de notaire ou de carte grise, illustré par l’arrêt Dumont c. Martin (Cass. civ. 3e, 5 mars 2020).

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Alternativement, l’acheteur peut opter pour l’action estimatoire, qui lui permet de conserver le bien tout en obtenant une réduction du prix proportionnelle à l’importance du vice. Dans l’affaire Bonnet c. Immobilière du Centre (CA Lyon, 18 septembre 2019), l’acquéreur d’un appartement affecté d’un problème d’isolation phonique a obtenu une réduction de 15% du prix d’achat. La détermination du montant de cette réduction relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui s’appuient généralement sur des expertises évaluant le coût des réparations nécessaires ou la dépréciation de la valeur du bien.

Outre ces actions spécifiques à la garantie des vices cachés, l’acheteur peut réclamer des dommages-intérêts complémentaires dans certaines circonstances. L’article 1645 du Code civil prévoit que le vendeur qui connaissait les vices est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages causés à l’acheteur. Dans l’arrêt Mercier c. Société Construction Moderne (Cass. civ. 3e, 7 avril 2021), le vendeur professionnel d’un immeuble affecté de problèmes structurels a été condamné à verser 50 000 euros de dommages-intérêts en sus de l’annulation de la vente, couvrant notamment les frais de relogement temporaire et le préjudice moral subi par les acquéreurs.

La qualification de vendeur professionnel emporte des conséquences juridiques majeures. En effet, le professionnel est présumé connaître les vices de la chose qu’il vend, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans l’arrêt Société BâtiPlus c. Époux Renaud (Cass. civ. 3e, 12 novembre 2020). Cette présomption irréfragable le soumet automatiquement au régime sévère de l’article 1645, l’obligeant à réparer l’intégralité du préjudice subi par l’acheteur. Par contraste, le vendeur non-professionnel bénéficie d’un régime plus favorable : l’acheteur doit prouver sa connaissance du vice pour obtenir des dommages-intérêts supplémentaires.

Les délais d’action constituent un aspect crucial du régime juridique. L’article 1648 du Code civil dispose que l’action doit être intentée dans un « bref délai », précisé par la réforme de 2005 comme étant de deux ans à compter de la découverte du vice. La jurisprudence évalue le point de départ de ce délai au moment où l’acheteur a une connaissance effective du vice, et non de ses premières manifestations. Dans l’affaire Dupont c. Société Maisons Traditionnelles (Cass. civ. 3e, 15 juin 2017), le délai a commencé à courir à la date du rapport d’expertise identifiant l’origine des fissures, et non lors de leur première apparition.

Effets sur les contrats connexes

L’annulation de la vente pour vice rédhibitoire peut entraîner des répercussions en cascade sur les contrats connexes. Le prêt immobilier finançant l’acquisition se trouve généralement résolu par voie de conséquence, comme l’a jugé la Cour de cassation dans l’arrêt Crédit Agricole c. Époux Leblanc (Cass. civ. 1ère, 10 décembre 2019). De même, les contrats d’assurance liés au bien peuvent être annulés rétroactivement, avec restitution des primes versées. Cette dimension doit être prise en compte dans la stratégie globale de l’acheteur face à un vice rédhibitoire.

Évolutions jurisprudentielles et perspectives d’avenir

La matière du vice rédhibitoire connaît des évolutions significatives sous l’influence de la jurisprudence contemporaine et des transformations sociétales. Ces développements dessinent de nouvelles perspectives pour la protection des acquéreurs et la responsabilisation des vendeurs.

L’une des tendances majeures concerne l’assouplissement des exigences probatoires dans certaines situations. La Cour de cassation a progressivement développé un système de présomptions facilitant la tâche de l’acheteur. Dans l’arrêt Durand c. Société AutoPrime (Cass. civ. 1ère, 17 mai 2018), la haute juridiction a confirmé que la survenance d’une panne majeure dans les jours suivant l’acquisition d’un véhicule d’occasion constitue un indice grave permettant de présumer l’antériorité du vice, sauf preuve contraire apportée par le vendeur. Cette approche, favorable à l’acquéreur, témoigne d’une volonté jurisprudentielle d’équilibrer les rapports contractuels face aux difficultés probatoires inhérentes à la matière.

L’impact des nouvelles technologies sur la notion de vice caché constitue un autre axe d’évolution notable. L’émergence de biens connectés, dotés de systèmes informatiques sophistiqués, soulève des questions inédites. Dans l’affaire Martin c. TechnoHome (TJ Paris, 12 mars 2022), le tribunal a qualifié de vice caché un dysfonctionnement du système domotique d’une maison intelligente, rendant inopérants le chauffage et l’éclairage. Cette décision illustre l’adaptation du concept traditionnel de vice rédhibitoire aux réalités technologiques contemporaines. La jurisprudence tend à considérer que la complexité croissante des produits renforce l’asymétrie d’information entre vendeurs et acheteurs, justifiant une protection accrue de ces derniers.

L’articulation entre la garantie des vices cachés et les autres mécanismes de protection de l’acheteur se précise progressivement. Dans l’arrêt Consorts Blanc c. Société Immobilière Sud (Cass. civ. 3e, 8 décembre 2020), la Cour de cassation a clarifié les frontières entre vice caché et défaut de conformité, permettant à l’acheteur de choisir le fondement le plus favorable à sa situation. Cette souplesse procédurale témoigne d’une approche pragmatique visant l’effectivité des droits de l’acquéreur.

L’influence du droit européen modifie progressivement le paysage juridique national. La directive 2019/771 relative à certains aspects des contrats de vente de biens, transposée en droit français, instaure une présomption d’antériorité du défaut pendant deux ans à compter de la délivrance pour les contrats de consommation. Cette évolution, bien que limitée aux rapports professionnels-consommateurs, pourrait influencer à terme la jurisprudence en matière de vices rédhibitoires entre particuliers. Dans l’affaire Dubois c. ElectroPlus (CA Toulouse, 16 janvier 2022), la cour a explicitement mentionné ces principes européens comme participant d’une tendance générale à l’allègement du fardeau probatoire de l’acquéreur.

La responsabilité environnementale constitue une dimension émergente du contentieux des vices cachés. La présence de substances dangereuses ou de pollutions non révélées lors de la vente génère un contentieux croissant. Dans l’affaire Commune de Vertville c. Société Industrielle du Nord (CA Douai, 21 septembre 2021), la pollution des sols d’un terrain industriel, non détectée par les diagnostics préalables, a été qualifiée de vice caché justifiant l’annulation de la vente. Cette jurisprudence illustre l’adaptation du concept de vice rédhibitoire aux préoccupations environnementales contemporaines.

  • Développement des obligations d’information environnementale du vendeur
  • Extension du champ des vices rédhibitoires aux caractéristiques écologiques des biens
  • Renforcement des sanctions en cas de dissimulation de risques environnementaux
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Les perspectives d’évolution législative méritent attention. Un projet de réforme du droit des contrats spéciaux, actuellement en discussion, envisage de moderniser le régime de la garantie des vices cachés pour l’harmoniser avec le droit européen. Ce projet prévoit notamment un allongement du délai de prescription et une clarification des rapports entre les différentes actions ouvertes à l’acheteur. Si cette réforme aboutit, elle pourrait considérablement transformer le paysage juridique du vice rédhibitoire.

Le rôle croissant de la médiation

Face à la complexité et à la longueur des procédures judiciaires, les modes alternatifs de règlement des litiges gagnent en importance dans le traitement des contentieux liés aux vices cachés. La médiation permet souvent d’aboutir à des solutions pragmatiques, comme l’illustre l’affaire Mercier c. Constructions Régionales (Médiateur de la consommation du bâtiment, rapport 2021), où un accord a permis la réalisation des travaux correctifs sans annulation de la vente. Cette tendance pourrait se renforcer avec l’encouragement institutionnel aux procédures amiables.

Tactiques de défense et contre-stratégies pour le vendeur

Face à une action fondée sur un prétendu vice rédhibitoire, le vendeur dispose d’un arsenal défensif substantiel. Comprendre ces mécanismes est primordial tant pour les vendeurs souhaitant se prémunir contre des réclamations infondées que pour les acheteurs anticipant les objections potentielles.

La contestation du caractère caché du vice constitue la ligne de défense privilégiée. Le vendeur peut démontrer que le défaut était apparent lors de la vente ou qu’il aurait dû être décelé par un acheteur normalement diligent. Dans l’affaire Durand c. Martin (CA Paris, 15 mars 2019), le vendeur d’un appartement a échappé à la garantie en prouvant que les traces d’humidité étaient visibles lors des visites et mentionnées dans les échanges précontractuels. La stratégie consiste souvent à documenter minutieusement l’état du bien avant la vente, par des photographies datées ou des attestations de visiteurs. Le juge appréciera le caractère apparent du défaut en fonction du profil de l’acheteur : un professionnel du domaine sera tenu à une vigilance accrue comparativement à un profane.

L’argumentation fondée sur la postériorité du vice représente une autre stratégie efficace. Le vendeur peut tenter de prouver que le défaut est survenu après la vente, résultant de l’usage du bien par l’acheteur ou d’événements extérieurs. Dans l’affaire Société Constructions Provençales c. Époux Leblanc (CA Aix-en-Provence, 7 novembre 2020), le constructeur a échappé à la garantie en démontrant que les fissures étaient dues à un défaut d’entretien postérieur à la réception. Les rapports d’expertise revêtent une importance capitale dans cette démonstration, nécessitant souvent une contre-expertise à l’initiative du vendeur.

La clause d’exclusion de garantie peut constituer un bouclier juridique précieux. L’article 1643 du Code civil autorise les parties à écarter ou limiter conventionnellement la garantie des vices cachés. Toutefois, la jurisprudence encadre strictement la validité de ces clauses. Dans l’arrêt Thibault c. Garages Réunis (Cass. civ. 1ère, 8 avril 2021), la Cour de cassation a rappelé que de telles clauses sont inopposables lorsque le vendeur est un professionnel ou lorsque le non-professionnel avait connaissance du vice. Pour être efficace, la clause doit être rédigée en termes clairs et apparents, comme l’illustre l’affaire Moreau c. Société Immobilière du Sud (CA Montpellier, 12 mai 2018), où la clause insérée en petits caractères dans les conditions générales a été jugée inopposable à l’acheteur.

  • Vérifier la qualité des parties (professionnel/non-professionnel) qui conditionne la validité des clauses
  • Rédiger des clauses explicites mentionnant spécifiquement les défauts connus
  • Insérer la clause dans le corps principal du contrat, avec mise en évidence typographique

L’invocation de la prescription de l’action constitue un moyen de défense procédural efficace. Le vendeur peut opposer l’expiration du délai biennal prévu par l’article 1648 du Code civil. Dans l’affaire Dupont c. SCI Les Oliviers (Cass. civ. 3e, 10 juin 2020), l’action de l’acheteur a été déclarée irrecevable car intentée plus de deux ans après la découverte effective du vice. La détermination précise du point de départ de ce délai donne lieu à un contentieux abondant, la jurisprudence considérant qu’il court à compter du moment où l’acheteur a une connaissance exacte de la nature et de l’étendue du vice, souvent établie par expertise.

La contestation de la gravité suffisante du défaut permet parfois d’échapper à la qualification de vice rédhibitoire. Le vendeur peut argumenter que le défaut n’affecte pas substantiellement l’usage du bien ou sa valeur. Dans l’affaire Société Résidences du Sud c. Martin (CA Bordeaux, 18 janvier 2021), des fissures superficielles dans une villa ont été jugées insuffisamment graves pour justifier l’annulation de la vente, le tribunal retenant qu’elles n’affectaient que l’aspect esthétique sans compromettre la solidité de la construction.

Négociation et règlement amiable

La recherche d’un accord transactionnel constitue souvent une stratégie pertinente pour le vendeur, permettant d’éviter les aléas judiciaires et de maîtriser les conséquences financières. Dans l’affaire Leroy c. Immobilier Central (Transaction homologuée, TJ Lyon, 7 mars 2022), le vendeur a proposé la prise en charge partielle des travaux de remédiation sans reconnaissance de responsabilité, évitant ainsi l’annulation de la vente. La transaction, encadrée par les articles 2044 et suivants du Code civil, présente l’avantage de l’autorité de la chose jugée, empêchant toute contestation ultérieure sur les mêmes faits.

Les vendeurs avisés développent des stratégies préventives pour minimiser les risques de contentieux. La réalisation de diagnostics techniques approfondis avant la mise en vente, la documentation précise de l’état du bien et la transparence concernant les défauts connus constituent des pratiques recommandées. Dans l’affaire Bernard c. Société Constructions Méridionales (CA Nîmes, 14 septembre 2019), le vendeur qui avait spontanément informé l’acheteur de problèmes d’étanchéité mineurs a échappé à l’action rédhibitoire lorsque ces problèmes se sont aggravés, le tribunal considérant que l’acheteur avait accepté ce risque en connaissance de cause.